Un an et demi entre chaque album, c'est le temps que demande le magicien brésilien pour revenir enchanter nos oreilles et notre imagination.
Parce que ce ninja là ne se contente pas de produire uniquement de la musique. Depuis ses débuts en 95, sur le label Ninebar Records sur lequel il sort son premier album (Adventures in Foam) sous le nom de Cujo, il exploite l'émotion suscitée par les vibrations sonores pour livrer des oeuvres quasi-pharaoniques.
Savant mélangeur de bruissements feutrés, de sifflements enjoués, de basses sourdes ou sinistres, de pétarades calaminées, de rythmiques désinvoltes, Amon Tobin est un véritable manipulateur de conscience humaine, le pilote d'un avion qui transporte son auditeur dans des ambiances tantôt sombres, tantôt joyeuses et enfantines, souvent tropicales et invariablement envoûtantes.
Comparé à Ennio Morricone quand son troisième album (le second chez Ninja Tune), Permutation, vit le jour en 98, il pourrait être définitivement consacré comme producteur de "musique à images" avec ce dernier opus: Supermodified.
Cette filiation n'est effectivement pas fortuite, Amon Tobin trouverait facilement sa place sur les bandes originales de Alice au Pays des Merveilles, ou, à l'opposé, d'un énigmatique et obscur film de Tim Burton.
Vraisemblablement touché par la relation auditif/visuel, il remixa d'ailleurs en 98 Grief, de Ryushi Sakamoto, équivalent asiatique de l'accompagnateur sonore de Sergio Leone. Influencé par des films à ambiance tels que Lost Hihgway, Twin Peaks ou Scarface, le modeste brésilien brouille les pistes en ce qui concerne l'héritage d'une quelconque culture latino. En effet, on notait peu de vestiges des sonorités sud-américaines dans Permutation.
Ce type de compositions, très présentes sur Bricolage (premier album chez Ninja, en 97), notamment avec le titre phare Chomp Samba, retrouve quelque peu sa place sur Supermodified, grâce à des morceaux comme Keepin'it Steel, qui intègre des percussions cuivrées et des samples de trompette. Sans renier ses origines, la majorité des titres trouvent leur mélodie, non pas dans les aigus des sifflets et des trompettes, mais plutôt du côté des basses et des médiums, du saxophone filtré, des guitares et des éternels pianos.
Amon Tobin trouve plutôt une grande partie de son inspiration dans le Jazz. Il utilise, en effet, les breakbeats du genre sur de nombreux morceaux (Precursor avec le cyber beatbox canadien Quadraceptor, Chocolate Lovely), mais se sert aussi de l'esprit de la Soul pour créer de langoureuses et fantômatiques pistes, passées à la moulinette de son sampleur, comme sur Natureland, délice de volupté et de douceur clôturant le déluge de sentiments que procure ce Supermodified.
Pourtant, aussi varié soit cet album, la ligne directrice d'Amon Tobin perdure. La séparation des éléments semble être la clef de voûte des productions du brésilien. Quand de nombreux DJ trouvent dans le Jazz une manière de renouveler leur registre Jungle ou Trip-Hop en mélangeant les sonorités sur un même morceau, Amon Tobin préfère emplir une piste de l'esprit du Jazz, pendant qu'il consacrera une autre piste à une divagation onirique (Marine Machines), et encore une autre pour libérer la puissance de la Drum'n'Bass (Golfer vrs Boxer), tout en gardant toujours une unité globale.
A l'inverse aussi de la tendance actuelle chez les DJ, qui cherchent une certaine crédibilité dans le réalisme musical, le protégé de Ninja Tune trouve la matière organique propre à atteindre ce réalisme dans les sons numériques eux-mêmes, une impression de naturel s'en dégage, balayant, alors, le paradoxe de la musique électronique-organique. Atmosphère marécageuse, ni trop cloîtrée, ni trop grandiloquente. Finesse et bon goût, Amon Tobin c'est un peu l'aristocrate de l’électronique.
Petit bio trouvée
iciBref, de la bonne electro ambiant pour planer, découvrir un autre monde.
Mélant Jazz, electro, hip hop et j'en passe.
Une perle, tout simplement.